C’est tout le drame de la France des technologies qui se joue devant nos yeux. La dernière révolution en terme d’éducation qui nous est proposée, 42.fr, est une initiative louable à beaucoup d’égards mais qui a franchement des relents de début du millénaire. Or avoir 10 ans de retard quand on se plaint du manque de vision de l’Etat, je trouve que ça fait tâche. Ce n’est pas parce qu’on code sur le dernier Mac qu’on prépare le futur.
Je ne nie pas que le manque de développeurs est un enjeu majeur du marché du travail actuel mais rien ne garantit que ce sera le cas demain. La réalité est que coder est la partie facile du développement. Mettre en ligne un site web est trivial du point de vue technique, ce ne l’était pas il y a 15 ans. La partie difficile, ce sont les concepts mathématiques, les algorithmes qui sous-tendent le développement des nouvelles technologies, la compréhension du métier pour lequel on code.
Donc ce qui me gêne quand je regarde le programme de 42.fr, c’est cet accent sur les langages de programmation l’environnement de travail (genre UNIX). Comparez avec le programme de « Computer Science » de l’EPFL (2ème partie de Bachelor), l’accent sur les théories mathématiques et les ponts vers d’autres disciplines me paraissent bien plus riches pour l’étudiant. Ca, c’est l’informatique qui prépare le futur.
Et puis, comme le faisait remarquait Syde dans l’émission précédente, je suis aussi surpris que la formation soit exclusivement proposée dans un environnement physique. A l’heure des EdX et autres Coursera, la vraie transformation de l’éducation se joue dans l’accessibilité à tous, pas seulement au niveau financier, mais aussi en terme d’emplacement. Celui qui ne vit pas près de Paris n’aura pas accès à 42.fr. C’est dommage et dépassé.
Alors, oui, former des gens de terrain est une bonne chose et fournir une formation exigeante gratuitement est généreux mais il n’y a pas grand-chose dans 42.fr qui prépare le futur de la France en terme de technologie de l’information. Cette école est parfaite pour décrocher un jobs dans un SSII mais je pense sincèrement que les meilleurs élèves feraient mieux d’éviter cette filière et je suis à peu près sûr qu’ils le feront.
Vous en pensez quoi?
10 réponses à “42.fr a une guerre de retard”
En tant qu’enseignant universitaire dans une filière très orientée « professionnelle », je note qu’effectivement nous avons de notre coté une approche plus orientée « long terme » que celle de 42 qui semble très tournée vers les outils actuels, pas forcément assez sur la capacité d’évoluer et de maîtriser les concepts d’arrière-plan.
J’en parle d’ailleurs plus en détails ici :http://doclazarre.blogspot.fr/2013/03/born-2-be-alive.html
Pour moi, une chose me dérange : les fondateurs veulent cette école « ouverte à tous »… Mais point bloquant quand même : il faut vivre en France et avoir entre 18 et 30 ans… Mais notons quand même que l’idée est louable, surtout quand on voit qui fait partie des fondateurs (co-fondateur d’EPITA,…).
J’arrête pas de réfléchir à cette école et je voulais justement proposer un article dessus pour NipTech, tu m’as devancé Benoit !
Je suis tiraillé par cette école : d’un côté ça semble la réponse à un problème vrai (le manque de développeurs) et de l’autre poser encore plus de questions.
Car comme tu le dis, le programme est uniquement porté sur la technique pure, rien sur le design, rien sur les langues étrangères, rien sur l’économie, rien sur la sociologie, etc… En gros : du code, du code et du code.
Et les auditeurs (et maintenant lecteurs) de NipTech le savent : le numérique est une histoire de technique mais c’est aussi beaucoup d’autre choses. Et si le but de cette école est de créer de futurs entrepreneurs, il faudra plus que savoir déclarer des variables.
C’est l’autre problème que me pose cette école : que va-t-il en sortir ? 1000 candidats, sélectionnés par le biais de questionnaire, de mini-jeux et de session intensive (la Piscine) dans le but, comme le dit Xavier Niel, de sortir des génies. Est-il naïf pour croire que sur 1000 candidats, il sortira 1000 Zuckerberg ? Pour une formation qui ne délivre pas de diplôme, c’est un risque qui me semble énorme de miser sur 100% d’employabilité à la sortie. Et si tu sors, tu dois tout recommencer car le système est comme il est, et avoir un diplôme reste encore une assurance.
Pendant la conférence de lancement, lors de la session Q&R, le fondateur de l’Epita prend la parole et dit des choses qui me semblent très sages (vers la toute fin de la vidéo : http://live.born2code.fr/) et c’est très vite mis de côté par Xavier Niel.
Cette école est donc très intéressante car elle met un coup de pieds dans la fourmilière et je serai le premier avec ma loupe à regarder comment ça va se passer.
Je rajoute juste sur la partie formation. Le système semble claire quand on regarde la conférence : la formation se fera sous forme de projets à réaliser et l’apprentissage se fera en réalisant, et le côté théorique sera fourni par Internet.
Un des fondateurs le dit : la connaissance est là partout sur Internet et nous ne pourrons pas faire mieux que le MIT donc les étudiants se débrouillerons (ce ne sont pas ses mots).
Donc à voir si cela va fonctionner.
Ce que j’admire dans cette idée c’est l’investissement du bonhomme. Tant sur les plans monétaires, qu’humain, social et idéologique!
Quand on connait les charges sociales, les diverses problématiques administratives et gouvernementales que la France impose aux chefs d’entreprises, qu’on entend la haine (pas tous je sais) qu’ont certains contres les chefs d’entreprises et les gens qui font de l’argent en général et de toutes autres difficultés que les entrepreneurs ont pour faire des affaires en France, je dois dire «chapeau» de vouloir y rester et surtout de donner aussi généreusement!
Oui certes, c’est peut-être 10 ou 15 ans en retard comme idée, l’accessibilité n’est pas celle qu’on voudrait en 2013, le format et la structure des cours ne sont pas ceux de la Silicon Valley!
C’est toujours mieux que rien!
Ce projet est perfectible, comme les autres! Il y aura amélioration au fil du temps. Mais la France a besoin de travailleurs de la tech! Ce ne sont pas des formations pour des chercheurs de haute technologie! En avons-nous TOUJOURS besoin dans une équipe? Des fois, il faut simplement produire du code, faire des sites Web, etc. Ça prend aussi de ce genre d’informaticiens dans un écosystème.
Ça me rappelle l’histoire de cette obèse qui ne veut pas prendre les escaliers sous prétexte que ça n’en vaut plus la peine. Selon moi, toutes les bonnes idées sont à prendre, surtout quand elles nous sont offertes sur un plateau d’argent et GRA.TUITE! Si ça peut seulement offrir UN meilleur emploi à quelqu’un, ça sera déjà ça! Sans oublier toutes les retombées économiques directes et indirectes que ce genre de projet apporte! La construction, l’architecture, le marchand de meuble et d’ordinateur et j’en passe.
Selon moi, dans ce projet, tout le monde y gagne!
[…] certains geeks, le programme pédagogique pêche par manque d’innovation. Le blog NipTech regrette, lui, que 42 ne se focalise que sur le « code » : plutôt que […]
Je ne suis pas totalement en accord avec l’article.
pour le contexte: je suis actuellement a l’Epitech en troisieme année.
42, c’est Epitech en gratuit et en plus elitiste, car gratuit.
D’ailleurs a la tete de 42 il y a nicolas Sadirac (directeur actuelle d’epitech), et une bonne partie de la direction d’Epitech.
Nous sommes sur NipTech, un podcast qui parle beaucoup de startUP!
et l’Epitech en france, est l’ecole dont les eleves creent le plus de startups.
Je comprend la meprise car XN n’a pas a mon sens bien expliquée le concept.
mais le principe fondateur a l’epitech, est qu’on apprend a apprendre a coder.
un des projets de troisieme années est de creer, et coder, un langage de programmation.
Epitech a 14 ans, et on a pu constater que ca marche!
a l’inverse des usages:
les deux premieres annees, on ne fait quasiment que coder, nuit et jour (http://www.meltycampus.fr/epitech-la-piscine-2012-2013-continue-photos-a133160.html). peu, ouverte 24h/24, de nombreuses nuits blanches. c’est un peu excessif, mais apres ces deux annees on a un excellent niveau, une sorte de prepa, ou on ne fait que coder.
et les trois annees suivantes, on fait plus d’economie (partenariat avec HEC), de droit, plus de ponts avec d’ autres discipline, et plus d’ouverture. d’ailleurs la quatrieme annee, est obligatoirement dans une université, a l’étranger. durant ces trois dernieres annees, on fait les EIP qui ont eu pour resultat de nombreuses startups (de tête, melty.fr, prestashop … )
quelques exemples de la derniere edition: (http://lentreprise.lexpress.fr/developpement-et-innover/le-palmares-des-epitech-innovative-projects-eip-2012_36741.html?p=5#content)
alors NON 42.fr, n’a pas 15 ans de retard, et ne formera pas que des devs, de SSII, mais une grande partie des futurs startupper français!
je suis persuadé, que dans les 2 3 prochaines annees, il y aura un vrai diplome de niveau 1 en sortie de 42.
N’oublie pas qu’il y a nicolas Sadirac a la tete de ce projet…
Merci pour les excellents retours. Très intéressants de lire les avis d’un professeur d’uni (et d’un du web) et d’étudiants. Au final, j’en retiens que trop de marketing n’est pas une bonne approche pour le domaine de l’éducation. La com de 42 est vraiment naze mais le projet est plus prometteur que ce qu’il en laisse paraître.
Je demande encore à être convaincu, ceci dit. On laissera les résultats parlés d’eux-mêmes!
Je partage sur beaucoup de choses qui ont été dites ; en particulier, la com’ me parait assez 1er degré (voir le site) mais à regarder le contenu des programmes étalés sur 3 années, ça semble plus sérieux mais aussi assez flou ; les étudiants vont voir une quantité impressionnante de techno mais, en combien de temps (Ca me rappelle le temps où je bossait en SSII et où j’étais vendu expert quand j’avais lu un bouquin sur une techno et déroulé 3 tutoriels ;-) ).
Quel est l’objectif pédagogique précis de ces 3 années ? Avoir une culture globale (comme l’étudiant de l’epitech le précisait, apprendre à apprendre est une vrai compétence car dans 5 ans les langages ou technos d’aujourd’hui auront changés).
D’ailleurs, 3 ans, n’est-ce pas une sorte de DUT sur vitaminé complété par une phase d’apprentissage (ce dernier point est d’ailleurs très flou) ? Il existe aujourd’hui des filières d’apprentissage pour décrocher un diplôme d’ingénieur ; c’est non seulement pas gratuit, mais l’étudiant est même rémunéré et mêle apprentissage universitaire théorique (sur 3/4 mois) suivi d’une période en entreprise de 6 mois).
Enfin, pour l’aspect vieillot de faire des cours en environnement physique, je pense par contre que ce dernier point est un point positif car en dehors du « simple » savoir-faire technique, il manque souvent une dimension fondamentale qui est du coté du savoir-être ; il est important de savoir travailler en équipe (avec d’autres codeurs, un Chef de projet, un client, un Responsable assurance qualité, etc…) ; il faut savoir présenter/expliquer/vendre son travail. Toutes ces dimensions impose que les étudiants se rencontrent.
Autre point d’interrogation sur l’objectif ; fournir des codeurs pile-poil adaptés au marché des entreprises, c’est bien mais ce que cherche aussi un recruteur, ce n’est pas uniquement un gars qui crache du code au km mais des profils qui sachent analyser un cahier des charges, proposer des axes d’améliorations, de nouvelles idées, etc… et pour cela la culture générale est très importante et on ne voit pas de cours d’économie, de sociologie, etc…
Enfin, dernier reproche, je ne vois pas de stage à l’étranger (il y a quand même des modules d’anglais les 3 premières années) ; ce point désormais quasi-obligatoire en école d’ingénieur me parait très important.
Donc, bien que je salue l’initiative d’essayer d’apporter du nouveau, je trouve dommage de ne pas s’appuyer sur certaines structures existantes en essayant de les booster et moderniser (je pense aux IUT qui ressemble un peu à ça mais que sur 2 ans et à l’apprentissage trop souvent méconnu en France).
Je pense personnellement qu’il faut saluer l’initiative sans nécessairement lui donner plus d’importance qu’elle n’en a réellement.
Avec un tel projet, Niel donne un coup de pied dans la fourmilière de l’enseignement supérieur de l’informatique en France. Certes.
Mais il créé aussi une filière pour approvisionner le groupe Iliad en profils (très) qualifiés. Il se donne aussi le moyen, à court ou moyen terme, de doper l’entrepreneuriat « tech » en France dont il est un acteur incontournable avec son activité de business angel.
Je ne pense donc pas que son ambition soit de révolutionner l’enseignement supérieur de l’informatique qui aura toujours besoin d’Universités, d’IUT et d’Écoles d’Ingénieurs spécialisées. Des structures qui sont en particulier nécessaires pour couvrir les problématiques de recherche qui ne semblent pas être adressées par 42.